Fleurs frêles suspendues autour du cou du peintre aux temps du choléra: les contes-tableaux de Oski
«Petit enfant en chemise, pleurnichant sur une chaise de fer, avalant, reniflant, avec sa bouche toute blanche de bouillie. Soumis au gouvernement humiliant des servantes courbées à l’ouvrage autour du baquet à lessive…le crâne casqué d’eau savonneuse qui lui pique les prunelles de son aigre venin, poings aux joues, pieds au ciel où flambe dans la vapeur le soleil comme une rose…La terreur qui remonte de son ombre profilée sur la tenture le chasse tout vêtu vers le lit-cage qu’il escalade d’un bond pour s’y raidir après trois signes de croix, les yeux grands ouverts comme un mort dans ses draps…Oreilles rouges, culotte de velours… l’œil sermonneur sous un pince-nez violet…Deux pas en avant, un pas en arrière…jouant avec le chien dans la resserre et lui parlant tout bas à l’oreille retournée comme un gant…fiers comme des princes du sang escortant…tant un équipage royal. Coups sourds…Les plus agiles juchés sur la gigantesque margelle de bois savourent le spectacle sphérique de ces travailleurs des ténèbres titubant épaule contre épaule à la lueur orange d’une lampe tempête….Le soir venu, une odeur forte et douce enrichit les visages d’une gaieté divine….genoux maternels embaumés de chypre…chasseuse de vipères dans les bois interdits aux enfants, qui sait par des chansons égayer le chagrin et d’une tendre caresse désarmer les bouderies, dure à elle-même sans ostentation, aimant…accroupi dans la chaleur secrète des bois, à écouter le discours..au plumage d’argent, son vif message chiffré…il s’éveille par à-coups sous la lueur sulfureuse de la lampe pour étouffer sa frayeur entre les draps qui enflent, enflent à toute allure comme échappant à la prise des poings agrippés…Dans le hublot du miroir, un vieillard chauve au teint crayeux le perce à jour de son regard oblique avec un mauvais rire….Partout l’insécurité, la menace, l’épouvante tant qu’infusions et cachets n’auront pas déjoué le maléfice de la vision fébrile….pour jeter de vilaines grimaces à la petite voisine en visite qui, pendue au bras de sa mère…les roses admirées pour leur carnation et leur arôme sans égal comme il sied à des hôtes bien élevés….Toutes ces grandes personnes parlent sans répit et si fort qu’il se retire loin de leurs voix dans sa fable intérieure….le corps fourbu avec la main familière le long des joues qui invite au sommeil, et c’est encore le bien pur de l’enfance – c’est son ciel paisible à peine troublé par la violence des larmes que transforme en sourire cette main protectrice dont la tache rose se garde comme un trésor au fond des paupières…Piégé entre les quatre murs de la Règle, il se détourne pour écouter le vent sur la mer plus éblouissante au sommet…jouant avec emphase à qui pourra le mieux simuler la mort….Dos au mur, jambes croisées, se tenant désespérément à distance des frêles clameurs auxquelles son corps tendu pour mieux entendre brûle et refuse de s’unir….Oubliant les raisons qu’il a d’être en larmes pour faire face, poings fermés, jarrets tendus, à ceux qui le narguent…l’œil si méchant qu’ils prennent peur et battent en retraite, comme interloqués à la vue de ce visage méconnaissable…l’éclat meurtrier d’une folie impossible à contenir…Vêtu d’une vareuse en toile à rayures blanches et noires dont le col pavillonne au-dessus de sa chevelure ourlée de soleil…les mollets dans la flaque où vibrent les crevettes, le sel du large lui soufflant sa poudre au visage qu’il pigmente et rosit comme un brugnon…Sur la déchirure du couchant, par-delà les brise-lames battues d’écume, les nuages, le glorieux feu de leur duvet…Fièrement face au psautier, enrobé jusqu’aux chevilles de blancheur cérémonielle…le grondement contenu…orgues brochant sur la vibration intime de la voix... le jeu modulé de son essor, la fragilité de sa chute et de la résolution finale qui brûle la gorge d’un trait de feu…aujourd’hui encore, cette voix perçante et déchirée -premier germe d’une comédie…des garçons aux maillots blasonnés, aux culottes en charpie, aux veines brûlant de fureur et de boue, tournoyant, suffoquant, pataugeant avec la giclée des flaques en travers des yeux, éprouvant leurs muscles pour défier la peur, chacun fonçant sur chacun comme du feu sur du feu…Les jambes écartées…la demi-couronne d’un nuage le bulbe d’argent tout bourré d’encens et de braise en un mouvement métronomique…Plus fort que la peine, ce rire subit qui explose au visage dans la dissolution des larmes…le tourment du péché condamne à devenir sournois et secrets sous le regard d’un dieu sans gaieté qui les met au pas et leur interdit de rire. La lumière se fait plus grise… le jeu même perd entre ces grands murs son goût sauvage…Grains de poudre exposés au premier éclair. Images mémorables ou d’impulsion pure qui assaillent comme une tempête pour investir le lieu où parle la voix…petit drôle troussé à plat ventre sur l’escabeau, la verte férule…sa chair figée de honte et d’effroi, le poignet en travers de la bouche…Sans rien en propre, sans lieu échapper aux regards, se jetant dans les jeux avec l’ardeur brouillonne d’une jeune bête parquée, n’ayant droit qu’à un lit de fer pour s’y dissimuler tout entier jusqu’au cruel sursaut du petit matin…»
Remix de Louis-René Des Forêts - «Ostinato» par le commissaire James Oscar pour l’exposition United in Flames: Drawings, Paintings, Monochromes de Oski Awoyo 8.09-22.09 FAUNA 5338 ST LAURENT
A Garland of Frail Flowers Hanging Around the Painter's Neck in the Time of Cholera
: Oski's Contes-Tableaux
“Little child in a shirt, whining on an iron chair, swallowing, sniffing, with his mouth all white with mush. Subjected to the humiliating government of the maids bent at work around the laundry tub...the skull helmeted with soapy water that stings his eyes with its bitter venom, fists to the cheeks, feet to the sky where the sun flames in the steam like a rose... The terror that rises from his shadow profiled on the curtain drives him fully clothed towards the bed-cage that he climbs with a jump to stiffen there after three signs of the cross, eyes wide open like a dead man in his sheets... Red ears, velvet breeches... the eye sermonizing under a purple pince-nez... Two steps forward, one step back... playing with the dog in the greenhouse and talking to it softly in its ear turned up like a glove... proud as princes of the blood escorting... a royal crew. The most agile perched on the gigantic wooden coping savor the spherical spectacle of these workers of darkness staggering shoulder to shoulder in the orange light of a stormy lamp....The coming evening, a strong and sweet smell enriches the faces of a divine gaiety.... maternal knees embalmed with cyprus...viper hunter in the woods forbidden to children, who knows by songs to cheer up the sorrow and with a tender caress to disarm the sulks, hard to herself without ostentation, loving...crouching in the secret heat of the woods, listening to the speech. .to the silver plumage, its vivid encrypted message... he wakes up in fits and starts under the sulphurous glow of the lamp to stifle his fright between the sheets that swell, swell at full speed as if escaping the grip of clenched fists...In the window of the mirror, a bald old man with a chalky complexion pierces himself with his oblique glance with a bad laugh....Partly insecurity, threat, fright as long as infusions and pills will not have thwarted the evil spell of the feverish vision.... to throw ugly grimaces at the little visiting neighbor who, hanging on her mother's arm...the roses admired for their unrivaled complexion and aroma as befits well-bred guests....All these great people speak without respite and so loudly that he retreats from their voices into his inner fable.... the forked body with the familiar hand along the cheeks that invites sleep, and it is still the pure good of childhood - it is his peaceful sky barely disturbed by the violence of tears that transforms into a smile that protective hand whose pink spot is kept like a treasure at the bottom of the eyelids...Trapped between the four walls of the Rule, he turns away to listen to the wind on the sea more dazzling at the top...playing emphatically at who can best simulate death.... Back to the wall, legs crossed, holding himself desperately at a distance from the frail clamors to which his body stretched to hear better burns and refuses to unite...Forgetting the reasons he has to be in tears to face, closed fists, tense hocks, those who taunt him...the eye so mean that they take fear and beat a retreat, as if taken aback by the sight of this unrecognizable face...the murderous glare of a madness impossible to contain...Dressed in a canvas jacket with white and black stripes whose collar hovers above his hair hemmed with sun... the calves in the puddle where the shrimps vibrate, the salt of the sea blowing its powder to him to the face that it pigments and dews like a nectarine... On the tear of the sunset, beyond the breakwaters beaten of foam, the clouds, the glorious fire of their down...Proudly in front of the psalter, coated up to the ankles of ceremonial whiteness... the contained rumble... organs broaching on the intimate vibration of the voice. .. the modulated play of its rise, the fragility of its fall and of the final resolution which burns the throat of a line of fire...today still, this piercing and torn voice - first germ of a comedy... boys in blazoned jerseys, shredded breeches, veins burning with fury and mud, twirling, suffocating, wading with the splash of puddles across their eyes, straining their muscles in defiance of fear, each one charging at the other like fire at fire... Legs spread...the half-crown of a cloud the silver bulb all stuffed with incense and embers in a metronomic movement...Stronger than the pain, that sudden laughter that explodes in the face in the dissolution of tears...the torment of sin condemns to become sneaky and secretive under the gaze of a mirthless god who puts them in line and forbids them to laugh. The light becomes greyer...the game itself loses its wild taste between these big walls...Grains of powder exposed to the first lightning. Memorable images or pure impulse that assail like a storm to take over the place where the voice speaks...little funny man lying flat on his stomach on the stepladder, the feral green ...his flesh frozen with shame and fear, the wrist across his mouth... Without anything in clean, without place... to escape the glances, throwing himself in the games with the scrambled ardour of a young animal parked, having right only to an iron bed to hide itself there all until the cruel start of the early morning..."
Remix of Louis-René Des Forêts -"Ostinato" by curator James Oscar for the exhibition “United in Flames: Drawings, Paintings, Monochromes” by Oski Awoyo 8.09-22.09 FAUNA 5338 ST LAURENT
Photo Credits: Caroline Boyce